LA  MUSIQUE  KLEZMER  ET  LE  JAZZ 

Les  ouvrages sur le klezmer (voir bibliographie) fourmillent de chapitres sur les relations que le klezmer a entretenu avec le jazz. Fusion? Bouturage? Descendance? Emprunts? Tout a été dit... et son contraire aussi! Ce qui est plus étonnant, c'est que les livres sur le jazz parlent fort peu du klezmer!

L'exemple le plus fréquemment cité de confluence entre le klezmer et le jazz est celui de Benny Goodman. Ecce homo! Son succès de 1938 "And the Angel sings", avec (ou sans) la chanteuse Martha Tilton et avec le fameux "chorus" de Ziggy Elman (on devrait plutôt dire "solo" car il ne fait que paraphraser le thème) peut être considéré comme la pierre angulaire qui a uni le klezmer et le jazz... pour le pire et le meilleur. Ce thème, devenu célèbre, n'est autre qu'une jazzification du "Shtiler bulgar", un classique du répertoire klezmer.

Mais on trouve aussi bien des références à la musique juive chez George Gershwin: Ainsi, le long glissando au début de la "Rhapsody in Blue" fait autant penser à un shofar qu'à une sirène... Et le début de "It Ain't Necessarily So" rappelle incontestablement au phrasé du début des prières juives : 'Barukh ata adonay...'

George Gershwin  George Gershwin
Benny Goodman
Benny Goodman



And the Angels Sing: pochette

Naftule Brandwein au saxophone!
Naftule Brandwein  
   
 
 
 
 


            
Une fois la brèche ouverte, beaucoup s'y sont précipités: Les Barry Sisters (nées Bagelman), les  Pincus Sisters, Mildred Bailey, Molly Picon, Aaron Lebedeff, Moyshe Oysher, Seymour Rexite (en vrac et dans le désordre) et bien d'autres ont enregistré un immense répertoire yiddish très, très swing: "Bay mir bistu sheyn", "Di grine kuzine", "Abi gezint", "Oy mame bin ikh farlibt", "Dona dona", "Geven a tsayt" (Those were the days), "Dem nayen sher", "Mazl", "Glik", "Yidl mitn fidl", "Hava nagila", "Beygelekh", "Rumenia Rumenia", "Sheyn vi di levone", "Yosl yosl", "Belz", "Ikh hob dir tsufil lib", "Ikh bin a border bay myn vayb", "Vi ahin zol ikh geyn", "Mayn yidish meydele", "Yome Yome", "Oy iz dos di rebetzin",... sans oublier "A yiddishe mame"!


Beaucoup d'autres klezmorim ont donné dans le swing: Dave Tarras (surnommé "le Benny Goodman juif"!), Naftule Brandwein (qui posera pour la photo avec un saxophone), Abe Elstein, Sam Medoff, the Yiddish Swing Orchestra, the Yiddish Swingtet... pour ne citer que quelques exemples, plus populaires chez les amoureux du klezmer que parmi les amateurs de jazz!

       
     
En 1947, les Ravens, 4 chanteurs noirs américains enregistrent une version chantée de "Mahzel", enregistré en instrumental peu avant par Benny Goodman. Un grand succès, comme Old Man River, Green Eyes et Summertime... de Gershwin !

                                 

L'incontournable Mickey Katz mérite une mention spéciale: 
Animateur dans la tradition du badkhn (le MC des mariages juifs), comédien, clarinettiste klezmer, humoriste et bruiteur (les glug-glug-glug dans le "Hawaiian War Chant" de Spike Jones, c'est lui!), il fut aussi le parodiste de nombreux hits, transformés en shtiks yiddish: "Duvid Krokett", "Keneh Hora", "Sixteen tons of latkes", etc.

 
 


              Mickey Katz 

Aux USA dans les années 1930-1950, de très nombreuses radios yiddish diffusaient -entre autres- du klezmer-jazz.  Les échantillons rédités dans le CD "Music from the Yiddish Radio Project: Archival recordings from the golden age of Yiddish radio 1930-1950s" en témoignent.

Yiddish Radio Project

A l'inverse, des musiciens de jazz, pas obligatoirement juifs, ont aussi emprunté des thèmes klezmer et yiddish (Billy Holliday ou Jackie Wilson chantant "A Yiddishe Mame" bien avant Miriam Makeba ( p.ex: au Victoria Hall le 12 mai 2006!), "Utt-day zoy" (=Ot azoy neyt a shnayder) par Cab Calloway, Slim Gaillard & Slam Steward ("Matzo Ball" dans Hellzapoppin en 1938), Judy Garland, Paul Robeson, Neil Sedaka, etc.

Le renouveau du klezmer qui a déferlé sur les Etats-Unis dans les années 1970 (et, de là, dans le reste du monde) n'a pas pu faire abstraction de ce voisinage. Des groupes comme Kapelye, le Klezmer Conservatory Band, les Klezmatics, le Modern Klezmer Quartet et David Krakauer n'ont jamais renié leur origine américaine ni leurs influences musicales, dont le jazz. En France, les Yidishe Mamas et Papas, le Gefilte Swing Orkestra et d'autres. Et même en Suisse: Kol Simcha (alias World Quintet)...

Tout ceci sans oublier l'usage que le rock et la chanson ont fait du répertoire juif: "Dona Dona" par Joan Baez ou Claude François, "Miserlou" repris par de nombreux musiciens (dont Dick Dale pour le générique de "Pulp Fiction"), "Rich Girl" (If I were a rich man) par Gwen Stefani

Et "Otcho Kandelikas" de Flory Jagoda (judéo-espagnol) repris par Pink Martini...

Bon! D'accord! Ce n'est plus vraiment du jazz, mais tout de même!



 

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dernière mise à jour: 21 février 2012


 



 

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