PALAVRIKAS  DE  AMOR

musiques et chants judéo-espagnols

 

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Anne-Claire MONNIER ou Yael MILLER: chant 

Michel BORZYKOWSKI: saxophones, chant... 

Julien LAPEYRE ou François LAVANDIER : 
  violon


Pier-Yves "Yoyvl" TÊTU : accordéon

Frédéric BERNEY : contrebasse

David MORHAIN : percussions

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 Palavrikas de Amor

 

Après leur expulsion d'Espagne en 1492, les juifs séfarades, riches des traditions séculaires d’Al Andaluz, vont influencer la vie culturelle de tout le bassin méditerranéen, en particulier des villes comme Tétouan, Fès, Salonique, Izmir, Sarajevo ou Constantinople.

Partie intégrante de l'immense patrimoine culturel du peuple juif, les chants et les musiques séfarades se sont fortement imprégnés des musiques populaires indigènes. Si leur tradition remonte bien à l'Espagne du 15ème siècle, la créativité musicale, elle, est le fruit d'un métissage artistique plus récent. Autant de lieux, autant de musiques et de poèmes inscrits les mémoires. Leurs seuls points communs sont leur éclectisme, leur charme et leur capacité à évoquer toutes les émotions.

Délaissant donc leur klezmer et leur yiddish familiers, HOTEGEZUGT vous propose un concert de musiques instrumentales et de chants judéo-espagnols, mizrakhi (orientaux) et judéo-prevençal, dans une interprétation qui perpétue la tradition sans la figer…

 

 

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Les musiques et chants judéo-espagnols

 

Dans le judaïsme, la tradition du chant liturgique remonte aux temps bibliques. C’est par contre dans la Diaspora que le chant profane a acquis son ampleur et sa diversité, grâce aux influences culturelles et musicales des divers peuples avec lesquels les communautés juives ont -de gré ou de force- été en contact. Associée à la poésie, la musique séfarade est restée le témoin privilégié de l'étrange aventure des Juifs de la péninsule ibérique qui connurent successivement la tolérance, les persécutions et l'expulsion. Malgré la dispersion et les différentes formes d'acculturation, les Juifs séfarades ont su maintenir durant quatre siècles et demi, c'est à dire jusqu'à la veille de la Shoah, des traditions, des langages et des valeurs culturelles spécifiques à leur judéité et à leur origine.

Séfarade est un mot hébreu signifiant "Espagne". Son pluriel, sfaradim, désigne les descendants des Juifs de la péninsule ibérique, qu'ils soient restés juifs après leur expulsion ou qu'ils se soient "reconvertis" ultérieurement ailleurs. A l'époque de la domination islamique (du 8ème au 13ème siècle), une importante communauté juive y vivait. En dehors des persécutions et des conversions forcées, les Juifs étaient tolérés parce qu'utiles sur le plan économique et participaient, avec les musulmans et les chrétiens, à une véritable symbiose culturelle et scientifique dont sont issus de grands noms comme Maimonide, Averroès ou Alphonse le Sage.

On qualifie même le 12ème siècle d'"âge d'or" du fait que les communautés juives ne dépendaient que du roi et jouissaient d'une grande autonomie administrative et judiciaire. Chacun des centres du judaïsme espagnol, particulièrement en Andalousie (Cordoue, Grenade, Malaga, Séville, Tolède, etc.), avait son propre style poétique et sa tradition musicale propre.

Au 14ème siècle, l'épidémie de peste et les troubles politiques mirent à mal cette tolérance et la reconquête catholique de l'Espagne mit fin à la cohabitation harmonieuse entre les trois cultures qui avait duré plus de sept siècles. Le 30 mars 1492, moins de trois mois après la capitulation des Maures, les Rois Catholiques Ferdinand et Isabelle signèrent un édit laissant quatre mois aux Juifs pour quitter le royaume sans emmener de biens. La plupart trouvèrent refuge dans l'Empire Ottoman (Salonique, Smyrne, Rhodes, Constantinople, Andrinople, Bosnie, Serbie, Roumanie et Macédoine), mais aussi en Afrique du Nord (Tétouan, Tanger), en Italie du Sud, en France (Marseille, Bordeaux) et dans le nord de l'Europe (Amsterdam). .              . sefarad1.jpg (154849 octets)

Au 15ème siècle, l'inquisition accusa de nombreux "conversos" (convertis, surnommés avec mépris "marranos", porcs) restés en Espagne de ne pas avoir totalement abandonné leur ancienne religion et continua à les persécuter et à les chasser.

A défaut de biens, les expulsés emportèrent leur patrimoine culturel, leur langue, leurs contes et leurs chants, source majeure d'enrichissement spirituel, qui furent transmis, surtout par les femmes, de génération en génération. Durant cinq siècles ils préservèrent leur langue, le judéo-espagnol (également nommé, spaniol, spanioliko, djidio, djudesmo ou encore khaketia au Maroc, Yahudice en Turquie et Ladino, un espagnol médiéval enrichi de termes hébraïques (à l'instar du yiddish mais dans une moindre mesure) et, ultérieurement, de nombreux mots turcs, grecs, arabes ou français, empruntés aux langues des pays de résidence.

D'innombrables écrits juifs ayant été détruits sur ordre de l'Eglise, il est impossible de savoir ce qu'était exactement la musique judéo-espagnole avant le 14ème siècle. Si certains textes profanes remontent bien à l'Espagne du Moyen Age ou de la Renaissance (servant même aujourd'hui à la recherche sur la littérature espagnole!), beaucoup d'autres sont plus récents et ont été empruntés ou crées dans les pays d'accueil ou amenés de l'Espagne moderne par des voyageurs.

      KanunJuif.jpg (29767 octets) Les mélodies de ces chants ont aussi adopté les modèles musicaux des cultures d'accueil, contrairement à l'idée reçue affirmant qu'ils viendraient en droite ligne d'Espagne! Ainsi, le style musical des communautés juives d'Orient (ancien Empire Ottoman, Balkans et Méditerranée orientale) a-t-il divergé de celui des Juifs du Maghreb.

Ce que nous connaissons aujourd'hui sous le terme de "chants judéo-espagnols" est essentiellement le fruit de ce "syncrétisme musical", de cette "incorporation créative" de textes en judéo-espagnol et de musiques d'inspiration locale. Cette complexité géographique et culturelle distingue la musique séfarade de celle des juifs ashkénazes qui conserve une certaine homogénéité liée à son environnement essentiellement est-européen, souvent hostile, et dont l'essaimage ne se fera qu'à la fin du 19ème siècle.

Autrefois, si les chants liturgiques proprement dits, en hébréo-araméen ou en judéo-espagnol, étaient l'apanage des hommes, les ballades et romances étaient surtout chantées dans le cadre domestique par les femmes, a cappella ou accompagnées par de simples percussions (sauf le shabbat ou un yom tov). Elles étaient adaptées aux diverses circonstances de la vie: naissance, berceuses, bar-mitzvah, amour déçu ou partagé, mariage, séparation, deuil… ou liées au calendrier juif: chants de shabbat, coplas de Purim, lamentations pour Tisha be'av, piyutim para-liturgiques, etc.


A ce mélange de thèmes sacrés et profanes, s'ajoutent des poésies lyriques, des thèmes d'actualité (p.ex. l'incendie de Salonique en 1917), des parodies et des satires et même des chansons paillardes. Évoquant une large palette de sentiments et d'émotions -des plus nobles et héroïques aux plus vulgaires et tragiques- dans un style concis et d'apparence simple, les chants judéo-espagnols contiennent quantité d'allusions et de sous-entendus qui demandent aux auditeurs une certaine connaissance et une écoute active! Ce répertoire, constamment enrichi, a permis et permet encore aux Juifs séfarades d'affirmer leur culture particulière: juive et ibérique.

Au vingtième siècle, la destruction d'importantes communautés séfarades lors de la Shoah a brutalement interrompu la transmission orale traditionnelle des chants judéo-espagnols, mais, à l'instar des chants yiddish et de la musique klezmer, ce patrimoine suscite depuis les années 1970 un regain d'intérêt partout dans le monde.

L'avènement des enregistrements et la notion de "concert" ont de surcroît engendré des interprétations nouvelles, (p. ex. baroques, ou hispanisantes) souvent masculines et parfois accompagnées d'instruments anachroniques (guitare, tablas…) sans lien direct avec la tradition, mais dont les qualités esthétiques et le potentiel émotionnel méritent toute notre attention...

Michel Borzykowski


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dernière mise à jour:  30 janvier 2011

 

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